« La pire souffrance est bien celle d'aimer. »

« Aly, qu'est-ce que tu regardes par la fenêtre ? »

C'était un jeune homme sur qui elle adressa toute son intention, de là à ne plus voir ni entendre sa sœur Leighton qui lui demandait gentiment. Il avait la carrure du type mal dans sa peau qui boit pour oublier sa solitude et son mal-être mais d'où elle était, Alyssa ne pouvait apercevoir son visage, d'autant plus que celui-ci était abaissé vers le sol avec une capuche sur la tête. Mais rien qu'à son allure, June pouvait comprendre qu'il n'allait pas bien, pour l'unique raison qu'il avait sans doute pris des vêtements à la va vite pour s'en faire une tenue. De plus, elle savait très bien lire ce que ce trouvait au fond des gens et les cerner, en comprenant très bien la raison du pourquoi ils allaient mal, sauf que dans le cas présent, le garçon était un peu trop éloigné pour qu'elle devine. Elle ne pouvait rien faire en haut de son appartement et tout ce qu'elle désirait à présent, c'était l'aider. Comme à son habitude, elle offrait un peu de son temps aux personnes qui le souhaitaient ou qui étaient en détresse sans qu'elles lui demandent quelque chose. Elle avait ce besoin de servir en cas de déprime et voir des gens dans un tel état l'intriguait totalement. Elle ne put donc s'empêcher de se diriger jusqu'au couloir sous l'œil interrogateur de sa sœur adoptive. Celle-ci la suivait tout en se demandant ce qu'Alyssa pouvait bien trafiquer.

« Aly, qu'est-ce que tu fous bordel ?! »
« Je reviens vite, je vais juste quelques secondes dehors. »

A vrai dire elle n'avait pas l'intention de faire grand chose mise à part d'aider l'homme toujours assis sur le banc après une vérification par la fenêtre. Elle ne perdit pas plus d'une seconde pour sortir de leur appartement, descendre les escaliers à pieds et sortir, les mains dans les poches de son manteau gris à cause du froid. Elle avait pris le soin d'enfiler une écharpe en laine avant de partir pour l'unique raison qu'étant une grande frileuse, elle allait geler sur place pensa t-elle lorsqu'elle fut à l'entrée, sur le trottoir juste en face duquel se tenait l'homme. Quelques pas au niveau du passage piéton, petit regard vers la gauche puis la droite pour plus de sécurité et la voilà juste devant le banc, prête à écouter les problèmes du garçon. Mais lorsqu'elle comprit que c'était son ex qu'elle avait largué il y a un mois de cela, elle s'arrêta net ne sachant pas vraiment si elle devait vraiment le couper dans ses pensées, car de toute manière il refuserait sans doute qu'elle lui parle, comme depuis quelques temps. Justement elle essayait tant bien que mal d'obtenir de ses nouvelles mais rien n'y faisait, il n'était jamais d'humeur et leur passé pouvait aller aux oubliettes. De ce fait, c'était bien une chance de le croiser ici étant donné qu'il ne lui ouvrait même pas lorsqu'elle se rendait jusqu'à chez lui, donc tous les jours. Elle s'inquiétait complétement pour lui et elle ne croyait pas un instant que c'était réellement son ancien petit-ami, installé là, avec son air qui pourrait en déprimer plus d'un. Elle ne l'avait jamais vu comme ça et c'était pratiquement choquant à voir. Pourtant, elle alla s'assoir à ses côtés sans le moindre sourire. Tant pis s'il partait, mais c'était une chance qu'il soit là alors il fallait la saisir et ne pas le laisser filer.

« Stephen, tu ne devrais pas rester tout seul. »

Alyssa était assez mal placée pour parler mais elle ne pouvait s'empêcher d'exclamer une telle phrase. Il avait perdu sa petite-amie et sa sœur en à peine un mois et dans un tel moment, il pourrait dire qu'il venait de tout perdre alors ses quelques mots, elle aurait pu sans doute s'abstenir de les prononcer. Cela dit, c'était un conseil comme un autre. Il devait se sentir seul, mais il ne devrait pas l'être. Il méritait d'avoir des amis autour de lui qui le pousseraient à aller mieux et qui le rendraient heureux, mais le voir assis en compagnie de sa solitude effrayait amplement la petite brune. Stephen n'allait pas bien et elle éprouva alors une certaine tristesse elle aussi. Elle n'aurait jamais du le quitter, elle aurait du être là pour lui dès le moment où on lui a annoncé que Melody Burton venait de mourir. Elle s'en voulait, c'était certain.

« Pourquoi ? Parce que je suis bourré, c'est ça ? »

Le fait qu'il avait sans doute beaucoup trop bu avant de quitter son appartement n'était pas la raison à laquelle pensait Alyssa. Certes cela aurait été bien que quelqu'un prenne soin de lui à ce moment-là et aille le raccompagner jusqu'au seuil de sa porte mais il aurait bien entendu refusé, préférant être seul en évitant les voitures du mieux qu'il puisse car ses pas n'auraient pas été droits. Mais il aurait tout de même prié pour se faire écraser par l'une d'entre elle, préférant la mort que cette vie pourrie qui paraissait déjà être sans fin et insupportable. Alyssa n'avait jamais vu un de ses proches mourir mais elle pouvait comprendre, en se mettant à la place de Stephen, ce qu'il devait endurer. Peut-être qu'elle n'imaginait pas parfaitement la souffrance qu'il ressentait au fond de lui, mais au moins, elle prenait le temps d'essayer, signe qu'elle tenait ne serait-ce qu'un peu à lui.

« Être seul ne te poussera pas à aller mieux, au contraire cette solitude te rongera et t'emmènera ensuite jusqu'au plus bas. Je sais que tu peux sortir de cette dépression, Stephen, mais pas tout seul. »

C'était la bonne raison, celle qui l'avait poussé à s'assoir et à commencer à discuter avec lui. Le fait d'être seul en compagnie de notre solitude est loin d'être un remède mais plus un moyen de se détruire petit à petit quitte à en mourir. Surtout si nous sommes en pleine déprime, rien ne peut aller, il faut absolument être accompagnés de personnes qui savent nous consoler, nous faire rire ou bien sourire mais surtout ne pas rester dans son coin tel un solitaire. Pourtant c'est ce que la plupart des gens faisaient tandis qu'une tristesse les submergeait petit à petit, même Stephen s'y mettait. Alyssa se demanda alors pourquoi tout ce monde n'essayait jamais d'aller mieux, rien qu'un peu, de voir du monde pour au moins réaliser les souhaits de leurs proches qui sont morts, ceux disant simplement qu'ils veulent qu'ils soient heureux. La sœur de Stephen aurait sans aucun doute voulu qu'il se balade dans la rue avec un grand sourire, bien habillé, en direction de l'habitat d'un de ses potes mais au contraire, il se fringuait pitoyablement selon les gens qui passaient devant lui, avait le visage d'un bourré qui effrayait les passants. Alors qu'Alyssa avait été fière d'être sa petite-amie auparavant, elle ne l'aurait pas été si elle le serait toujours. Il ne faisait rien pour aller mieux et même si elle comprenait sa peine, elle lui reprochait de se noyer dans sa dépression. Et encore une fois, il refusait catégoriquement une aide, même celle de son ex. Alyssa ne pouvait rester les bras croisés et partir comme il lui demandait, voilà pourquoi elle ne bougea pas d'un poil tout en observant l'être qui souffrait au plus haut point.

« Non Stephen, je ne te laisserai pas alors que je t'ai enfin devant moi. Je t'aime trop pour partir sans avoir rien fait pour toi. »

Même si Stephen allait mal, il comptait pour elle et elle ne le laisserait pas. Elle l'aimait comme avant et le voir dans un tel état lui faisait ressentir un gros chagrin. Elle voulait tant de choses, mais la première était qu'il retrouve le sourire et l'énergie qu'il avait autrefois. Puis, qu'ils soient de nouveau ensemble, même si elle devrait supporter cet homme pleurant toutes les larmes de son corps. Au moins, dans ces moments-là, elle servirait à quelque chose et pourrait l'aider, tout en montrant l'amour qu'elle éprouve pour lui.

D'après certaines rumeurs ou les dires des amis d'Alyssa, Stephen allait horriblement mal. Étant donné qu'il ne répondait plus au téléphone, ne la laissait pas entrer dans son appartement et qu'il lui avait demandé de sortir complétement de sa vie, la brune était dans un choix certes dur à accepter, celui de ne plus pouvoir rien faire pour son cas. Elle avait bien entendu l'envie d'être là pour lui même après leur rupture, mais en réfléchissant plus d'une fois, elle n'avait trouvé aucune solution à ce problème. Elle était donc dans l'obligation d'attendre qu'ils se croisent un jour, en espérant de tout cœur que Stephen sortait ne serait-ce qu'un peu de chez lui. C'était seulement une semaine ensuite qu'elle apprit par elle ne sait plus qui d'ailleurs, qu'il avait en fait perdu sa sœur ainée. Elle connaissait parfaitement son ex et pouvait déjà en conclure que s'il était bien trop longtemps seul, il pourrait mettre fin à ses jours. Elle l'avait donc cherché plus d'une fois, allant dans les endroits qu'il fréquentait souvent quand Melody était encore vivante et qu'il n'était pas déprimé, mais rien n'y faisait, aucune trace de son Stephen. Il était définitivement et irrévocablement introuvable. Ce n'était certes pas dans les habitudes d'Alyssa de lâcher aussi vite, mais elle était à vrai dire totalement perdue elle-même, ne sachant vraiment plus quoi faire pour lui et surtout comment le trouver. Souvent elle se suggérait certaines propositions dans sa tête qui la terrifiait rien qu'à l'idée qu'elles soient vraies. Peut-être était-il mort dans son habitat, raison pour laquelle il n'ouvrait jamais d'ailleurs, ou peut-être avait-il changé de ville et d'université. Seulement voilà, Alyssa n'arrivait pas à se mettre ça dans le crâne et elle était persuadée qu'il se trouvait quelque part à Los Angeles.

Elle fut donc heureuse lorsqu'elle l'aperçut sur un des bancs en face de chez elle. Elle ne savait pas réellement pourquoi il se trouvait ici mais elle fut assez contente qu'il sorte au moins de chez lui, un petit effort de sa part pour déprimer moins tout de même. Tous les deux donc assis, elle n'avait pas l'intention de partir, même si Stephen lui demandait. Elle l'aimait toujours bien qu'il puisse penser le contraire. Elle l'avait quitté pour une raison complexe qu'aucun de ses amis n'avait compris d'ailleurs, peut-être même pas lui. Leur couple était un peu trop niais et romantique et ce n'était pas ce dont elle désirait à la base. Elle était folle amoureuse de lui, ce qui pouvait donc paraître absurde comme raison, mais elle n'avait pas envie de faire comme les autres, d'être un simple mouton parmi tant d'autres. Elle ne voulait pas de ça. Pourtant les sentiments ne partent pas comme ça et oui, elle l'aimait toujours, raison pour laquelle elle lui dit simplement. Apparemment, Stephen avait vraiment du mal à la croire ce qu'elle comprenait totalement, vu la façon dont leur relation s'était terminée. Alyssa était pourtant quelqu'un de sincère et gentille et pour rien au monde elle lui aurait menti sur un tel sujet, ce qui serait donc sûrement des paroles qui le feraient d'autant plus souffrir si c'étaient seulement des mensonges. La brune n'en dit rien et n'essaya pas de le convaincre, le laissant simplement continuer dans son énervement. Alors qu'il était débout, tête penchée vers elle, June se sentit drôlement petite à côté de lui. Déjà qu'à la base elle l'était énormément, en étant assise, cela n'arrangeait rien. Elle se leva alors, s'approcha un peu plus de son ancien petit-ami et lui caressa simplement la joue.

« Stephen, je suis désolée mais tu sais bien que je ne suis pas une menteuse et je ne m'amuserais pas à dire ce genre de choses dans un moment pareil. »

Alyssa et Stephen étaient sortis durant un an et demi et durant ce temps, la demoiselle avait largement eu le temps de le voir dans tous ces états. Elle le connaissait pratiquement par coeur. Elle savait lorsqu'il allait rire ou bien s'énerver, quand elle avait fait une gaffe ou qu'elle avait dit un mot en trop. Mais surtout elle avait appris à connaître son expression de visage au moment où il se préparait à pleurer. Il se mordait toujours la lèvre inférieure, les sourcils froncés. Alyssa ne l'avait jamais vu verser des larmes, voire deux ou trois fois peut-être, alors quand elle le regarda et que tous les signes lui indiquant qu'il allait pleurer, elle pouvait en conclure qu'il allait vraiment mal. Elle n'osait pas le prendre dans ses bras, car il l'aurait sans doute repoussée après ce qu'elle avait fait.

« Stephen, je suis là. Je partirai pas de ta vie avant que tu ailles mieux. Même si je dois attendre longtemps pour ça, je serai là, je te le promets. » dit-elle en lui attrapant la main, signe qui lui montrait qu'elle était vraiment là s'il en avait besoin. Elle le fixa ensuite d'un de ces regards vraiment intense pour qu'il voie qu'elle était vraiment sincère.

HS : Désolée du retard mon mari chéri. ♥